
L’asso Entourage a développé différentes antennes à travers la France et son application mobile réunit 77 000 utilisateurs (©AdobeStock)
Favoriser les rencontres et créer du lien social, c’est la mission de la communauté Entourage qui propose une carte interactive centralisant toutes les actions solidaires en cours dans chaque quartier. Une antenne est notamment développée à Paris mais l’association compte étendre ses actions le plus largement possible. Explications.
Un samedi matin, au feu rouge, à la sortie de la cité administrative, à Melun. La démarche lasse, un homme au visage creusé, se faufile, pour la énième fois de la journée, entre les rangées de voitures, la main tendue. Son jour de chance ? Une vitre se baisse. L’homme récolte quelques pièces.
L’automobiliste suivant arbore un sourire compatissant, le sourire qui dit « non, désolé, je n’ai pas de monnaie ».
Pas le temps d’obtenir davantage. Le feu passe au vert, les conducteurs rejoignent rapidement la rocade. D’aucuns ne connaît son nom, encore moins son histoire. Les riverains l’auront néanmoins reconnu. Normal, ce SDF fait ici régulièrement la manche.
Tout commence par un « Bonjour »
« Les personnes sans abri nous disent qu’elles se sentent considérées comme du mobilier urbain, comme un sac-poubelle descendu sur le bord du trottoir », déplore Guillaume Roussel, chargé de médiation sociale à l’association Entourage qui lutte contre l’exclusion.
Ce dernier a développé le programme pédagogique « Simple comme bonjour » qui permet de faire se rencontrer les sans-logis et les habitants.
« L’idée est partie d’un constat où, d’un côté, on avait des personnes sans abri qui nous disaient se sentir rejetées ou ignorées au quotidien. Et, en face, on avait des riverains avec d’agir mais qui ne savaient pas comment faire », poursuit-il. L’équipe d’Entourage sensibilise le grand public à travers une application mobile, mais également dans les écoles et les entreprises. Car c’est tout autre regard qu’il s’agit de poser sur « le monde de la rue ». Il faut dire que les préjugés sur la précarité restent tenaces. « Non, les SDF ne sont pas tous alcooliques, non, ils n’ont choisi d’être à la rue. Il faut savoir que 24 % des personnes SDF travaillent aujourd’hui et moins de 30 % font appel au RSA sur les 100 % qui pourraient y avoir droit », rappelle Guillaume Roussel.
Un peu de chaleur humaine
Mais passés les clichés, certains ont encore du mal à passer le cap et à oser la rencontre. Et pourtant, le lien social, c’est simple, ça commence par un « Bonjour ! ». Un peu de chaleur humaine ne remplie certes pas les ventres vides mais participe à rompre l’isolement de la rue. « On a tous en tête que les SDF ont besoin de manger. Avant tout, ils ont besoin de parler », pointe Elina, une ancienne sans-abri.
Dire « Bonjour », ça ne coûte rien et pour certains, ça n’a pas de prix.
Histoire vécue. « Sur mon chemin pour aller au travail, je rencontrais un homme qui faisait la manche et à qui je ne donnais jamais d’argent, je n’avais jamais de monnaie sur moi, raconte le chargé de médiation sociale. À chaque fois, je lui répondais « bonjour ». À force, ce monsieur me voyait arriver, il avait un grand sourire, il savait que je n’allais pas lui donner de l’argent mais on discutait un peu le matin, en attendant mon train. » Et de conclure : « Ça permet à la personne sans abri de se sentir exister au quotidien, le « bonjour » lui permet d’exister. »
Vanessa ASPE-RELOUZAT
@VanessaRelouzat
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